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L’entrepôt géant de Bunce

 

« Qu’est-il donc arrivé à ta queue, mon vieux Renard ? s’écria Blaireau.

— N’en parlons pas, je t’en prie, dit Maître Renard. C’est un sujet douloureux. »

Ils continuèrent à creuser le nouveau tunnel en silence. Blaireau était un grand fouisseur et depuis qu’il donnait un coup de patte, le tunnel avançait à toute allure. Bientôt, ils se retrouvèrent au-dessous d’un autre plancher.

Maître Renard sourit d’un air rusé, montrant ses dents blanches et pointues.

« Si je ne me suis pas trompé, mon cher Blaireau, dit-il, nous sommes maintenant sous la ferme qui appartient à Bunce, ce vilain nabot ventripotent. En fait, nous sommes juste sous l’endroit le plus intéressant de cette ferme.

— Des oies et des canards ! s’écrièrent les renardeaux en se léchant les babines. Des canards tendres et juteux, et de belles oies grasses !

— Ex-ac-te-ment, dit Maître Renard.

— Mais comment donc peux-tu savoir où nous sommes ? » demanda Blaireau.

Le sourire de Maître Renard s’élargit un peu plus sur ses dents blanches.

« Écoute, dit-il, j’irais les yeux fermés jusqu’à ces fermes. Pour moi, c’est tout aussi facile dessous que dessus. »

Il se dressa et poussa une latte en bois, puis une autre. Il passa la tête par l’ouverture.

 

 

« Oui ! hurla-t-il en sautant dans la pièce au-dessus. J’ai encore réussi ! J’ai mis dans le mille ! Droit dans le mille ! Venez voir ! »

Blaireau et les trois renardeaux le suivirent. Ils s’arrêtèrent, les yeux écarquillés. Ils restaient bouche bée. Ils étaient si comblés qu’ils ne pouvaient plus parler ; car ce qu’ils voyaient maintenant était en quelque sorte le rêve de tout renard, le rêve de tout blaireau, un paradis pour les animaux affamés.

« Ceci, mon cher vieux Blaireau, déclara Maître Renard, c’est l’entrepôt géant de Bunce. Toutes ses provisions sont stockées ici en attendant de partir au marché. »

 

 

Contre les quatre murs de l’immense pièce, entassés dans des armoires et empilés sur des étagères qui allaient du sol jusqu’au plafond, il y avait des milliers et des milliers de canards et d’oies des plus beaux, des plus gras, plumés et prêts à cuire ! Et au-dessus, pendus au plafond, il devait y avoir au moins une centaine de jambons fumés et cinquante flèches de lard.

 

 

« Quel régal pour les yeux ! s’écria Maître Renard, sautant et dansant. Qu’est-ce que vous en dites, hein ? Plutôt pas mal comme bouffe ! »

Soudain, comme mus par des ressorts, les trois renardeaux affamés et Blaireau, qui aurait mangé un éléphant, se jetèrent sur la succulente nourriture.

« Arrêtez ! ordonna Maître Renard. C’est mon festin. Aussi, c’est moi qui choisirai. »

Les autres reculèrent en se léchant les babines. Maître Renard se mit à faire le tour de l’entrepôt, examinant ce magnifique étalage de nourriture d’un œil connaisseur. Un filet de salive dégoulina le long de sa mâchoire.

« N’exagérons pas, dit-il, ne vendons pas la mèche. Il ne faut pas qu’on sache que nous sommes venus. Agissons avec ordre et propreté et ne prenons que quelques morceaux de choix. Aussi, pour commencer, prenons quatre canetons dodus.

Il les prit sur une étagère.

 

 

« Oh, comme ils sont beaux et gras ! Pas étonnant que Bunce les vende si cher au marché… Très bien, Blaireau, donne-moi un coup de patte pour les descendre… Vous, les enfants, vous pouvez aider aussi… Allons-y… Mon Dieu, comme vous avez l’eau à la bouche ! Et maintenant… nous ferions bien de prendre quelques oies… Trois devraient suffire… Prenons les plus grasses… Oh ! mon Dieu, mon Dieu, il n’y a pas plus belles oies dans la cuisine d’un roi… allons-y doucement… voilà… et que diriez-vous de deux beaux jambons fumés ?… J’adore le jambon fumé, pas toi, Blaireau ? Passe-moi un escabeau, s’il te plaît…

 

 

— Je raffole du lard ! s’écria Blaireau, dansant d’excitation. Prenons une tranche de lard ! Cette grosse, là-haut !

— Et des carottes, papa ! dit le plus petit des trois renardeaux. Prenons quelques carottes.

— Que tu es bête, dit Maître Renard. Tu sais bien qu’on n’en mange jamais.

— Ce n’est pas pour nous, papa. C’est pour les lapins. Ils ne mangent que des légumes.

— Mon Dieu, tu as raison ! s’écria Maître Renard. Tu penses vraiment à tout, mon petit ! Prenons dix bouquets de carottes ! »

Bientôt, tout ce magnifique butin forma un beau tas sur le sol. Les renardeaux étaient accroupis à côté, la truffe frémissante, les yeux brillants comme des étoiles.

« Et maintenant, dit Maître Renard, nous allons emprunter à notre ami Bunce deux de ces charrettes, dans le coin. Elles nous seront bien utiles. »

Blaireau et lui allèrent chercher les charrettes et chargèrent les oies, les canards, les jambons et le lard. Ils les firent descendre par le trou du plancher et s’y glissèrent à leur tour. Dans le tunnel, Maître Renard remit les lattes du plancher à leur place. Ainsi personne ne pourrait voir qu’on les avait déplacées.

« Mes enfants, dit-il en désignant deux des trois renardeaux, prenez chacun une charrette et courez rejoindre votre mère de toute la vitesse de vos quatre pattes. Dites-lui combien je l’aime. Dites-lui que nous avons invité à dîner les Blaireau, les Taupe, les Lapin et les Belette, que ce doit être vraiment un festin grandiose et que nous reviendrons au logis dès que nous aurons fini un autre petit travail.

— Oui, papa ! Tout de suite, papa ! » répondirent-ils.

Ils saisirent chacun un chariot et foncèrent dans le tunnel.

 

Fantastique Maître Renard
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